L'ancien Premier ministre français a décidé de se lancer à l'assaut de la capitale catalane et annonce qu'il va démissionner de son poste de député.
(AFP) - Ira ? Ira pas ? Difficile de prétendre qu'il y avait encore beaucoup de suspense sur la une candidature de Manuel Valls à la mairie de Barcelone. Depuis le mois d'avril et les premières rumeurs, l'hypothèse a pris du poids. L'ancien Premier ministre de François Hollande a mis fin aux atermoiements en confirmant sa candidature lors d'une conférence de presse organisée ce mardi soir à Barcelone. « Après un temps sérieux de réflexion, j'ai pris la décision suivante : je veux être le prochain maire de Barcelone », a-t-il déclaré en catalan. « Depuis ma naissance [...], ma relation avec Barcelone a été intime, constante. »
En outre, Manuel Valls annonce qu'il va démissionner dans les prochains jours de « toutes ses responsabilités » en France.
C'est un pari risqué pour Manuel Valls. Même s'il se veut au-dessus des partis, Ciudadanos mais aussi le Parti populaire lui ont fait les yeux doux ces derniers mois. Lui a préparé son implantation en rencontrant la population, mais aussi de nombreuses personnalités de la société civile. S'il est né à Barcelone, son idylle avec une héritière catalane lui a ouvert des portes de la haute société de la cité de Güell. Pour préparer sa campagne, il a aussi recruté Pasqual Maragall, ancien responsable de la communication du FC Barcelone.
Ses chances sont minces
Désormais se pose la question de ses chances de succès. Ancien ministre de l'Intérieur, il maîtrise la thématique de la sécurité, une préoccupation croissante des habitants. Mais « ses chances d'être maire sont minces », estime le politologue de l'université de Barcelone Jordi Muñoz. « C'est une candidature qui chamboule » le paysage politique, estime pour sa part Joaquim Coll, historien et analyste politique proche de Valls, qui juge son pari « risqué », mais pas « suicidaire ».
Son principal défi repose désormais dans sa capacité à fédérer autour de lui durant la campagne. Les observateurs s'accordent à dire qu'il doit faire la synthèse des partis anti-indépendantistes : Ciudadanos, Parti socialiste et Parti populaire. Un grand écart qui ne sera pas sans rappeler celui d'Emmanuel Macron en France.
« Il fait un pari osé, risqué », Christian Jacob
L'annonce n'a pas suscité beaucoup de regrets, notamment à gauche. « Je pense que Manuel Valls est lucide sur le fait que les gens ont tourné la page. Et qu'il tourne la page aussi », a commenté Benoît Hamon. « Manuel Valls fait partie des personnes qui ont organisé, éclairé la grande transhumance des élites de la gauche vers la droite. On voit à l'épreuve des faits, à travers le quinquennat de François Hollande et maintenant celui d'Emmanuel Macron, que cela n'améliore pas la vie des Français », a-t-il ajouté.
« Il est parti. Il part un peu plus loin », ironisait quelques heures avant l'annonce de Manuel Valls le porte-parole du PS Boris Vallaud qui n'a pas souhaité s'appesantir davantage. Le sénateur PS Rachid Temal se montre plus vindicatif. « C'est le dernier épisode d'une mauvaise série B. Donc heureusement que le 'the end' arrive enfin », raille-t-il, en apportant « tout (son) soutien aux camarades socialistes espagnols du PSOE à Barcelone ».
Adversaire de Manuel Valls lors des législatives de 2017, l'Insoumise Farida Amrani s'est dite mardi soir « triste et déçue » pour les habitants de sa circonscription, accusant M. Valls de « trahi(r) sa patrie ». Elle sera candidate pour lui succéder à son poste de député. « Il fait un pari osé, risqué. Il a été très maltraité par LREM, il en tire les enseignements », avait pour sa part commenté dans la journée le chef de file des députés LR, Christian Jacob, à propos de celui qui occupe à l'Assemblée l'ancien bureau de François Fillon.
Le soutien du gouvernement
Manuel Valls, qui avait apporté son soutien à Emmanuel Macron avant la présidentielle, a reçu mardi matin des encouragements en provenance du gouvernement. « C'est une belle illustration de l'Europe », a estimé sur Sud Radio la secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Nathalie Loiseau. Le ministre du Budget Gérald Darmanin (ex-LR) trouve du « panache » au geste du député de l'Essonne. « Manuel Valls (...) est quelqu'un que l'Europe et la République ont de la chance d'avoir dans leurs rangs », a-t-il affirmé sur France Inter.
Du côté des députés LREM, avec qui Manuel Valls avait décidé de siéger, on salue la démarche « transfrontalière » de M. Valls. Sans regretter particulièrement son départ. Manuel Valls « avait un statut un peu à part, des positions un peu à part » au sein du groupe LREM, constate le député Aurélien Taché. « Il a quand même pris des positions très hétérogènes par rapport à celles de LREM, et même par rapport au président de la République », note-t-il.
C'est finalement du côté du centre-droit que sont venus les mots les plus chaleureux. « J'ai beaucoup d'estime pour Manuel Valls. Qu'il prenne ce risque renforce mon estime pour lui, salue auprès de l'Agence France-Presse le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde. « Il a été un bon Premier ministre d'un mauvais président de la République. »