
Les établissements scolaires français ont commémoré, ce vendredi, le décès du professeur d’histoire qui a été décapité par un jeune islamiste en octobre 2020 pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet.
(AFP) - À la veille de la date anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty, tous les établissements scolaires de France rendent hommage vendredi au professeur d’histoire, devenu martyr de la liberté d’expression face à l’obscurantisme après avoir été décapité par un jeune islamiste tchétchène pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet.
Minute de silence, débats en classe, projection de documentaires autour de la laïcité… Charge aux équipes pédagogiques de décider du contenu de cet hommage.
«Les établissements ont la liberté de s’organiser. Cela pourra prendre la forme d’échange, de discussion. C’est l’occasion de parler de la place du professeur, du savoir», a expliqué jeudi le ministre français de l’Éducation Jean-Michel Blanquer.
«Un temps de réflexion»
La commémoration de l’assassinat de Samuel Paty, il y a un an, «est l’occasion d’un temps de réflexion et d’échanges avec les élèves. Ce temps pourra notamment prendre la forme à partir du cycle 3 (les classes d’enfants de 8 ans et plus, ndlr) d’une séquence spécifique sur la construction de l’esprit critique, ainsi que sur le métier de professeur, son rôle et sa légitimité», selon le site Eduscol, qui fournit des contenus pédagogiques aux enseignants.
Samuel Paty, 47 ans, a été poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 dans une rue voisine de son collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, ville tranquille de la région parisienne, alors qu’il rentrait chez lui. Son assassin, un réfugié tchétchène radicalisé de 18 ans, tué peu après par la police, lui reprochait d’avoir montré des caricatures de Mahomet en classe, et avait donné de l’argent à des jeunes collégiens pour qu’ils lui montrent qui était Samuel Paty.
Au total, quinze personnes ont été inculpées dans cette affaire.
Risque de «sanctions»
Jean-Michel Blanquer a aussi prévenu: si ces hommages venaient à être «perturbés», les élèves concernés seront «sanctionnés», a-t-il insisté.
Le ministre a rappelé que de telles sanctions avaient dû être aussi appliquées l’année dernière, peu après l’assassinat. «Des problèmes il y en a eu, mais au moins ils sont signalés. Ils sont aussi circonscrits. Quand on pense aux dizaines de milliers de lieux où cela a été fait, c’est évidemment un pourcentage très faible. Mais là où c’est fait, c’est signalé et sanctionné», a-t-il ajouté.
Mercredi déjà, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait appelé les préfets à une «vigilance totale» lors de cet hommage, et plus particulièrement «dans et aux abords des établissements scolaires».
La grande mosquée de Paris a indiqué à l’AFP que son recteur et ses imams se recueilleront vendredi matin devant le collège où enseignait Samuel Paty.
Du côté des enseignants, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire (collèges et lycées), explique qu’on «sent beaucoup d’émotion qui remonte chez les profs à la veille de cet hommage, face aux souvenirs et au choc que cela a représenté». «Il y a une volonté des enseignants de vouloir lui rendre hommage dignement», dit-elle.
Samedi, «dans l’entrée même du ministère, une plaque qui pour toujours rendra hommage à Samuel Paty sera inaugurée. Le Premier ministre (Jean Castex) viendra, ainsi que d’autres membres du gouvernement, avec les parents et la famille de Samuel Paty», a souligné Jean-Michel Blanquer.
La famille sera ensuite reçue dans l’après-midi à l’Élysée par le président Emmanuel Macron, qui avait qualifié Samuel Paty de «héros tranquille» de la République française.
En parallèle, un square Samuel-Paty sera également inauguré samedi face à la Sorbonne à Paris. À Conflans, un monument en forme de livre doit être dévoilé.
Pays bouleversé
L’attentat avait bouleversé un pays déjà fragilisé depuis le début de la décennie par une vague d’attaques djihadistes, et relancé les débats passionnels autour de la liberté d’expression, la religion, la laïcité, le droit de blasphémer.
Samuel Paty «cherchait le moyen de faire réfléchir», a raconté une de ses soeurs, Gaëlle, au journal «La Croix». Montrer les caricatures du prophète Mahomet, celles-là mêmes qui avaient été à l’origine du sanglant attentat contre la rédaction de «Charlie Hebdo» en 2015, devait être pour l’enseignant «le point de départ d’un débat», a-t-elle ajouté.
Reportage avec les élèves de 3e du collège Théodore-Monod de Bron : ils ont échangé ce vendredi avec leur professeur d’histoire-géographie sur la laïcité, les caricatures, la liberté d’expression, un an après l’assassinat de #SamuelPaty. https://t.co/4DGExNyExs
— Libération (@libe) October 15, 2021
Les anciens collègues de #SamuelPaty ont accepté de parler à Libération : ils reviennent sur leurs traumatismes, leur rapport chamboulé aux élèves et la façon dont l’institution a (ou non) pris soin d’eux. https://t.co/tyjk690Rlk
— Libération (@libe) October 15, 2021