
La vente aux enchères « Un printemps marocain », qui s'est tenue le 30 mai dernier à la Mamounia (Marrakech) par la prestigieuse maison de ventes Artcurial, suscite un débat passionné où il est beaucoup question de la mémoire d'artistes marocains reconnus à l'international et les intérêts financiers des artistes ou de leurs ayants droit. Daoud Salmouni-Zerhouni, juriste et consultant en propriété intellectuelle, explique pourquoi.
Cette vente aux enchères comptait des oeuvres de deux grands artistes marocains d'art contemporain, Mohammed Melehi et Mohamed Chabâa. Les organisateurs de la vente y voient un hommage appuyé quand les héritiers Melehi et Chabâa, eux, dénoncent une « oblitér[ation] [de] la mémoire de l’art moderne marocain », une « défiguration », une « spoliation » et en définitive une violation des droits moraux de leurs auteurs.
Les médias, marocains et étrangers, ainsi que des intellectuels, artistes, spécialistes de l’histoire et du marché de l’art se sont emparés du sujet, faisant ainsi sortir le ministre marocain de la Culture de sa réserve pour tenter d’apaiser une colère où se mêlent patriotisme culturel, droit des auteurs, sentiment d’injustice, rejet de la cupidité des uns et condamnation de l’aveuglement des autres.
La polémique porte surtout sur "Les roses du Dadès", Il s’agit de panneaux peints pour plafond et claustras en bois sculptés conçus de manière intégrale et organique avec le bâtiment qui les accueille, à savoir l'hôtel "Roses du Dadès", construit en 1971-72, à Kelaat M'Gounna, réalisé par les architectes feux Abdeslem Faraoui et Patrice De Mazières qui trouvèrent avec les artistes du groupe de Casablanca de parfaits collaborateurs.
“Il est extrêmement choquant qu’à des fins purement spéculatives et mercantiles on ait laissé faire ce démantèlement d’un joyau artistique; emblématique de l’âge d’or de l’art moderne marocain, notamment avec les artistes du Groupe de Casablanca, aujourd’hui célébrés de par le monde”, tient-on à expliquer du côté des opposants.
La fille de Mohamed Chabâa insiste : « Il ne s’agit pas d’œuvres individuelles, mais d’intégrations, qui n’ont d’existence que là où elles ont vu le jour. » Pour l’héritière du peintre mort en 2013, la vente contrevient au droit moral des artistes et de leurs descendants.
Les «Intégrations» des artistes Mohammed Chabâa et Mohamed Melehi ont été adjugées à 5,255 millions de dirhams, dimanche 30 mai, lors de la vente aux enchères organisée à Marrakech par Arcurial.
Face au silence totale du ministère de culture et de la fondation nationale des musées, rien n'est aujourd'hui conservés à l'hôtel Roses du Dadès. sans aucune réaction, Le propriétaire est revenu reprendre tout ! Meme les plafonniers en bois seront a vendre !... La HONTE !! pic.twitter.com/RozwRBKu04
— MAMMA (@mamma_group) May 25, 2021