Hicham TOUATI - Porté par un décret royal d’une densité rare et par une carrière façonnée dans la rigueur du service public, Khalid Aït Taleb a été installé, ce matin du vendredi 7 novembre 2025, wali de la région Fès-Meknès et gouverneur de la préfecture de Fès. Une nomination qui intervient à un moment charnière, où les ambitions nationales se heurtent à des urgences locales profondes et où les citoyens attendent de leur nouveau wali un changement tangible dans la gouvernance, l’investissement et la qualité des services publics.
Dans le grand salon de la Wilaya de Fès, et sous la présidence du ministre de l’intérieur, l’atmosphère qui a accompagné l’installation de Khalid Aït Taleb relevait moins d’un cérémonial que d’un passage de relais stratégique. Car derrière cette nomination, confirmée par un décret royal au ton ferme et empreint d’une charge symbolique puissante, se dessine une exigence claire : redonner souffle à une région riche de ses atouts mais entravée par des disparités sociales, par un ralentissement de ses moteurs économiques et par l’impatience croissante de ses habitants.
Le dahir de nomination, adressé directement aux « rayaana al-wafiyā’ », les fidèles sujets de la région, donnait la mesure des attentes : le Souverain y affirme avoir chargé son « khadîm al-arḍā », son « serviteur le plus dévoué », d’une mission qui exige, selon les termes mêmes du décret, « un effort qui ne faiblit ni ne cesse », et une vigilance constante pour « veiller aux petites comme aux grandes affaires » de la population. Chaque formule, pesée, rappelle que le rôle d’un wali est moins celui d’un administrateur distant que celui d’un acteur présent, engagé, garant de la justice territoriale et du bien-être collectif.
À cet appel royal répond un profil qui, depuis deux décennies, a fait de l’action publique un terrain d’expérience féconde. Directeur du CHU de Fès dès 2009, président du groupement des CHU en 2016, puis ministre de la santé en 2019 avant d’hériter du portefeuille élargi de la santé et de la protection sociale en 2021, Khalid AÏT TALEB appartient à cette génération de hauts responsables qui ont été confrontés à la gestion de crises, à la redéfinition des politiques publiques et à la modernisation d’institutions souvent fragiles. Le renouvellement de la confiance royale — après deux passages au gouvernement — le propulse aujourd’hui à la tête d’un territoire où les défis sont à la fois multisectoriels et profondément ancrés dans le quotidien.
Le ministre de l’intérieur n’a pas manqué, dans son allocution, de situer cette nomination dans le cadre d’une « transition décisive » pour le pays. Revenant sur les discours du 29 octobre et du 10 octobre 2025, il a rappelé la volonté royale d’« accélérer la marche du Maroc ascendant » et de lancer « une nouvelle génération de programmes de développement territorialisés », fondés sur la justice spatiale, la réduction des écarts sociaux et la création d’opportunités réelles pour la jeunesse. Le message est limpide : les walis et gouverneurs deviennent les pivots opérationnels de cette nouvelle phase, responsables de la déclinaison effective des grandes orientations nationales et garants de la cohérence de l’action publique sur leurs territoires.
À Fès-Meknès, cette responsabilité prend une dimension particulière. Car la région, malgré son rayonnement historique et culturel, cumule des défis structurels : investissements privés en deçà des ambitions, poids excessif de l’investissement public (près des deux tiers du total), chômage des jeunes, hétérogénéité criante entre espaces urbains et zones montagneuses, persistance de poches de vulnérabilité sociale, et montée des préoccupations sécuritaires liées aux nouvelles formes de criminalité et aux débordements observés lors de certains événements sportifs.
Le ministre l’a dit sans détour : « Il n’est pas raisonnable que dans le Maroc d’aujourd’hui, l’investissement privé se limite au tiers du total national ». D’où l’appel direct lancé au nouveau wali : améliorer le climat des affaires, lever les obstacles administratifs, moderniser l’offre territoriale, renforcer la logistique, élargir la réserve foncière dédiée aux projets structurants et affirmer la région comme un espace compétitif capable de transformer ses potentialités en valeur ajoutée et en emplois.
La feuille de route évoquée ce matin est dense. Elle s’appuie sur des chantiers déjà engagés : neuf nouveaux hôpitaux en cours de construction (870 lits, près de trois milliards de dirhams d’investissement), 619 centres de santé de proximité en cours de réhabilitation, trente-cinq établissements scolaires nouvellement bâtis et six internats dédiés aux zones rurales et montagneuses pour lutter contre le décrochage des élèves. Autant de projets qui exigent un pilotage plus rigoureux, un suivi de terrain soutenu et une coordination multisectorielle que le ministère attend désormais du nouveau wali.
À cela s’ajoutent les impératifs de sécurité, rappelés avec insistance. Dans un contexte marqué par la persistance des risques terroristes et la complexification des réseaux criminels, Fès-Meknès doit renforcer ses mécanismes de vigilance, de coordination et d’anticipation. La stabilité, a souligné le ministre, n’est pas un acquis immuable mais le socle de toute ambition économique : « L’attractivité de l’investissement dépend d’abord de la confiance dans l’ordre public ».
Dans les rangs de la société civile, des élus et des acteurs économiques présents à la cérémonie, un sentiment se dessinait : celui d’une attente exigeante mais lucide. Car la région ne manque ni de talents ni d’opportunités. Elle attend surtout un style de gouvernance qui conjugue écoute, proximité, rapidité d’exécution et transparence. Un style que la personnalité de Khalid AÏT TALEB, méthodique, directe, façonnée par la gestion et le terrain, pourrait, espère-t-on, imprimer dans l’action publique locale.
L’arrivée de ce nouveau wali, auréolé d’une confiance royale renouvelée et porteur d’un vécu administratif dense, est perçue comme un moment charnière. Mais le défi véritable commence maintenant : convertir l’élan symbolique du dahir royal et les orientations fermes du ministre en transformations palpables dans les arrondissements de Fès, dans les cercles ruraux du Saïs, dans les communes de Boulemane, Taounate, Sefrou ou El Hajeb. C’est à cette échelle concrète que les citoyens jugeront, dans les mois à venir, si la promesse d’un « Maroc ascendant » trouve réellement à Fès-Meknès son terrain d’accomplissement.
HICHAM TOUATI
