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« J’ai les deux passeports » : Souad Massi entre Alger et Paris

Icône des musiques du monde et égérie des mouvements contestataires, la chanteuse algérienne nous berce avec sa voix au rythme de chaâbi, d'Algérie et de liberté.

 

(Jeune Afrique) - Installée en France, la chanteuse et compositrice algérienne chante depuis plus de trente ans l’espoir, l’exil et son pays natal. Entretien.

Dans l’amphithéâtre d’O, à Montpellier, la native d’Alger irradie au milieu de la scène. Entourée d’un violoniste, d’un bassiste, d’un batteur et d’un joueur de darbouka, Souad Massi gratte ses délicats arpèges de guitare, son instrument de prédilection. L’autrice et compositrice algérienne installée en France depuis ses 23 ans insuffle sa mosaïque sonore, entre folk, chaâbi et musique arabo-andalouse. Un métissage qui définit celle qui croit au brassage culturel et à la liberté.

Dans Oumniya, qui signifie « mon rêve le plus cher » – son neuvième et dernier opus sorti en 2019 chez Naïve – elle chante aussi son pays natal, entre nostalgie et rêve de liberté. Cette artiste nomade, comme elle aime se définir, s’est produit au Soudan, où elle est l’une des rares artistes à y être tolérée, en Égypte, en Tunisie, au Maroc et surtout un peu partout en Europe, où elle s’est fait un nom à la fin des années 1990. Même sur les routes, avec en moyenne 60 à 80 dates programmées dans l’année, Souad Massi n’est jamais bien loin de la réalité du pays qui la vue naître. Entretien.

Jeune Afrique : Comment êtes-vous parvenue à imposer votre style en France dans une industrie musicale qui, au regard de la musique du monde arabe, a longtemps été dominée par le raï et les divas orientales ?

Souad Massi : Alors, je n’ai pas de réponse ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Tout ce que je sais c’est que j’aime la musique. J’ai commencé à chanter à 17 ans, puis j’ai pris des cours de guitare classique. Et peu de temps après, je me suis retrouvée à jouer dans un grand festival en France [Femmes d’Algérie au Cabaret sauvage, en 1999]. J’ai eu beaucoup de chance, mais j’ai aussi beaucoup travaillé. Avec le recul, je pense que je suis arrivée en France au bon moment. À cette époque, j’étais la première femme du Maghreb qui jouait de la guitare et des chansons folk. J’étais à contre-courant du mouvement raï. L’univers a pris. Inconsciemment, je proposais une musique universelle. Même si je chante principalement en arabe, le genre folk est accessible pour une oreille occidentale. Ce public est habitué à ces sonorités. C’est la musique, avant tout, qui m’a facilité la tâche.

Dans Oumniya, vous chantez votre « pays natal » en français. Quel est votre rapport à l’exil ?

Je voudrais d’abord rendre hommage aux vrais exilés, comme mon grand-père qui est venu en France pour travailler. Lui, a souffert pour s’intégrer. Il ne connaissait pas la langue française en arrivant sur le territoire. Moi, c’est autre chose. Je travaille en France, je me sens chez moi. La France m’a donné les moyens de réussir. Quand on m’a invitée à jouer ici, j’ai été repérée par une grande maison de disques, Universal. J’ai fait le choix de signer et de rester pour chanter. Mais en Algérie, même pendant la guerre civile, je chantais ! Je prenais ma guitare et je n’avais pas peur. Aujourd’hui, j’ai peur. À 18 ans, j’étais sans doute inconsciente mais j’étais animée par une volonté de vivre et une colère aussi. Parce que j’avais envie de voir mes amis, de jouer de la musique, de m’amuser, d’étudier… Je ne voulais pas que quelqu’un décide à ma place.

À cette époque-là, avez-vous rencontré des problèmes avec les autorités lorsque vous vous produisiez sur scène ?

Certaines de mes chansons ont été censurées. Mais j’ai surtout reçu des menaces anonymes ; c’est impressionnant de recevoir des menaces de mort quand on a 18 ans. Malgré cela, je n’avais pas l’intention de partir. En revanche, j’ai ressenti le besoin d’arrêter de chanter car j’avais le sentiment que la musique ne me posait que des problèmes. J’ai repris mon métier de formation, ingénieure en bâtiment. Peu de temps après, je recevais cette invitation pour me produire en France. Je crois qu’elle est arrivée au moment opportun.

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