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«La vie devant nous», l’histoire méconnue de 80.000 mineurs marocains en France

Il y a quelques années encore, le réalisateur Frédéric Laffont lui-même ignorait tout de ce chapitre de l’histoire française. Dans les années 1960 et 1970, la France a recruté 80 000 Marocains, jeunes et illettrés, pour travailler à bas coût dans les mines du Nord et de Lorraine.

« La vie devant nous », présenté au Fipadoc 2022, raconte subtilement la vie poignante de ces mineurs qui « ont donné vie à 600 000 Français ». Une histoire aussi méconnue qu’essentielle pour comprendre la société d’aujourd’hui.

Dans les années 60 et 70, Félix Mora sillonne le sud du Maroc à la recherche de muscles pour fermer, à bas coût, les mines de France. Les crieurs du Royaume annoncent son arrivée à des cohortes de candidats à l’exil. Tampon vert apposé sur les torses nus : la France, tampon rouge : le village et la honte. Mora aurait ainsi recruté plus de 80.000 mineurs pour le Nord et la Lorraine.

Après les fermetures des mines, les « Mora » ont connu les chaînes de l’industrie automobile et sont devenus les témoins des transformations du travail. Ils sont les travailleurs de la fin d’une France industrielle pourvoyeuse d’emplois, la fin d’un monde. Nulle nostalgie pour ces retraités souvent enjoués et conscients de leur sort. Les mineurs d’hier ont des enfants et des petits-enfants. Ils ont donné naissance à plus de 600 000 Français. C’est une histoire de France, méconnue, et celle de ses enfants. C’est aussi une histoire de l’immigration.

LA VIE DEVANT NOUS est un film au présent. Un antidote aux poisons identitaires de l’époque. Une invitation à la nuance à travers un récit où se mêlent monde du travail, mémoire, exploitation, dignité et rêves accomplis… Traverser la Méditerranée, hier comme aujourd’hui, un chant mythologique.

"S'enfoncer dans le cauchemar des mines"

Dans un entretien accordé à RFI, le réalisateur revient sur Félix Mora, cet ancien militaire devenu cadre des Houillères et chef de service de la main-d’œuvre étrangère du Nord-Pas-de-Calais, qui s’est rendu dans le Sud du Royaume pour embaucher ces travailleurs, «tous absolument volontaires» qui «fuyaient la misère». Face à la dureté de la situation, il souligne que les Marocains «avaient parfaitement conscience de ce qu’ils vivaient, mais ils étaient très convaincus que leurs choix sont bons pour eux et leurs familles».

Les Marocains, qui souffraient d’un statut de travailleur «en deçà des autres», partaient pour 18 mois renouvelables, pour s’enfoncer dans le cauchemar des mines à plusieurs centaines de mètres sous terre.

Regrettant que l’histoire de ces hommes reste ignorée, jusque dans les familles concernées, malgré ce qu’ils ont donné à la France, Laffont a voulu raconter «comment ces pères, dont un des critères de sélection était de ne pas pouvoir lire et écrire, pouvaient donner naissance aujourd’hui à des enfants qui ont tous fait des études supérieures et très brillantes».

Témoignant de la dignité de ces mineurs marocains, arrivés en France se disant avoir «la vie devant nous», le réalisateur souligne qu’ils ont «transformé cette épreuve en un rêve réalisé, parce que les enfants sont là et ils ont été bien élevés».

Lire l'entretien sur RFI

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