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Le Maroc est-il une ile ?

Qui, mieux qu’Abdellah Laroui, peut mieux définir la nature territoriale du Maroc ? Pas grand-monde. Et que dit le grand historien marocain ? Il affirme que « le Maroc est une île », avant d’ajouter, « une île encerclée ». Et lorsqu’on lui demande la raison, il suggère de regarder une carte pour s’en assurer. Alors regardons une carte…
 

1/ Frontière Est. Nos grands amis algériens veillent farouchement sur notre « insularité », qui a fait, et fait toujours, partie de leur « plan maghrébin », en l’occurrence isoler le Maroc par la création d’un « Etat » à son flanc sud. Marocains et Algériens ont donc fermé leurs frontières, qu’Alger refuse obstinément d’ouvrir, puis dans un second temps, ils ont construit une barrière physique, tantôt en forme de tranchée, côté algérien, tantôt comme grillage métallique truffé d’électronique, côté marocain. A l’est, c’est donc fermé.
 

2/ Frontière Sud. Le Sahara est marocain, mais la « communauté internationale » ne le voit pas ainsi. De fait, le poste frontière de Guergarate est certes sous contrôle marocain, mais aussi sous l’œil vaguement attentif des gens de la Minurso. Le Polisario œuvre depuis des années à perturber le trafic entre le Maroc et le reste du continent, et il aura même fallu une opération militaire en novembre dernier pour dégager les séparatistes qui aspiraient à s’installer dans la zone. Un seul passage donc, le reste étant formé du mur de sécurité. Au sud, c’est donc tout aussi fermé qu’à l’est.
 

3/ Frontière Nord. Sur terre, de gros et hauts grillages à Sebta et Melilla, et sur mer, les patrouilles maritimes espagnoles puis, au sud de l’Espagne, des policiers des frontières peu accueillants, suspicieux, vérifiant des visas de plus en plus difficiles à obtenir de consulats et de sociétés privées de plus en plus tatillons, exigeants et, pour tout dire, fort peu sympathiques. Au nord, donc, comme à l’est et au sud, c’est fermé.
 

4/ Façade ouest, atlantique. Le droit maritime relevant de la Convention de Montego Bay pose les bases des mers territoriales (12 milles nautiques, soit environ 22 km) et des zones économiques exclusives (ZEE) de 200 milles (370 km), pouvant aller jusqu’à 350 (648 km). Enserré par Madère au large de Casablanca et par les Canaries face à Laâyoune, le Maroc n’a plus que son Sahara pour prendre le large et voir loin… et gagner plus. Les discussions sont aujourd’hui très techniques, un peu colériques du côté ibérique, et encore plus intéressées pour la « communauté internationale ». Dans l’attente, la façade atlantique est également fermée, comme ailleurs.
 

Donc, dit Ssi Abdallah Laroui, le Maroc est une île, et une île encerclée. Ce mot est en général utilisé pour indiquer une forme d’hostilité de celui ou ceux qui « encerclent » et, de fait, si les relations historiquement hachurées s’améliorent lentement et inégalement avec notre voisin méridional, elles se détériorent tout aussi lentement mais sûrement avec les Espagnols. Pour diverses raisons qui transforment des signaux faibles, mais récurrents, en tendance lourde. Pour l’Algérie, il n’y a rien de sérieux à envisager… aucune évolution dans nos relations sans changement en interne ; mais cela est un problème algérien.
 

Tout cela explique mieux la politique étrangère marocaine, définie dans le discours de Riyad d’avril 2016, venu consacrer une politique africaine de plus en plus entreprenante et progressivement intrusive dans les zones autres que francophones ou ouest-africaines. Le Maroc s’est également projeté au-delà du continent, signant des accords et partenariats stratégiques avec l’Inde, la Chine, la Russie, qu’il reste à mettre sérieusement en musique, mais cela est une autre affaire... Et, plus récemment, le royaume s’intéresse avec bonheur et efficacité à la zone latino-américaine.
 

On le sait, la géopolitique et l’histoire nous l’enseignent, une nation insulaire chargée d’Histoire est rarement et peu durablement en bons termes avec son voisinage continental immédiat, comme on l’a vu ou on le voit encore avec le Royaume Uni ou encore l’Empire du Japon. C’est aussi le cas du Maroc dans son insularité. Abdallah Laroui l’a constaté et théorisé, l’Etat marocain l’a compris et concrétisé. La génération à venir devra s’y faire, et se comporter en "insulaire", précise et recommande l'historien.


Aziz Boucetta (L'ODJ - L'opinion des jeunes marocains)

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