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Tunisie – Des condamnations politiques massives inquiètent la diaspora maghrébine

Maglor- Tunis – juillet 2025 Dans un contexte politique de plus en plus tendu, la Tunisie vient de franchir un nouveau cap en matière de répression judiciaire. Le président historique du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, ainsi que plusieurs figures politiques et sécuritaires, ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour « complot contre la sûreté de l’État ».

La diaspora maghrébine, notamment en France et en Belgique, suit avec une vive inquiétude cette évolution que plusieurs ONG et juristes qualifient de dérive autoritaire.

Un procès sous haute tension

Dans ce que les médias tunisiens et internationaux qualifient déjà de « megaproces », 21 personnalités politiques, parlementaires, cadres sécuritaires ou anciens ministres ont été condamnées.
Parmi les peines les plus lourdes :

  • Rached Ghannouchi, 84 ans, leader d'Ennahdha : 14 ans de prison ferme
  • Nadia Akacha, ancienne directrice de cabinet de Kaïs Saïed : 35 ans par contumace
  • Rafik Abdessalem (ex-ministre, gendre de Ghannouchi), Mouadh Ghannouchi (son fils) et Kamel Guizani (ex-chef des renseignements) : également 35 ans

Ces condamnations s’ajoutent à d’autres peines déjà infligées depuis 2023 à des opposants, journalistes ou syndicalistes, traduisant une normalisation judiciaire de la répression politique.

Une démocratie tunisienne en danger ?

Depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle le président Kaïs Saïed a suspendu le Parlement et renforcé ses pouvoirs, le pays a progressivement glissé vers un système présidentialiste autoritaire.
Le Conseil supérieur de la magistrature a été dissous, une nouvelle Constitution a été adoptée, et les libertés publiques se sont réduites, comme le rappellent Human Rights Watch, Amnesty International, mais aussi de nombreuses voix tunisiennes de la société civile.

Pour beaucoup d’observateurs, la Tunisie du post-Printemps arabe est à la croisée des chemins, oscillant entre retour au régime fort et espoir démocratique.

La diaspora maghrébine solidaire, mais préoccupée

Les condamnations de ce 8 juillet provoquent une onde de choc parmi les Tunisiens de l’étranger, notamment en France, en Allemagne, en Belgique et au Canada, où des milliers de familles restent fortement connectées au pays.

À Paris, Bruxelles et Montréal, plusieurs collectifs citoyens ont appelé à des marches silencieuses et à des tribunes de soutien aux détenus politiques.

« Cette affaire dépasse Ennahdha. C’est une attaque contre toutes les formes d’opposition. La Tunisie risque de perdre ce qu’elle avait de plus précieux depuis 2011 : le pluralisme », témoigne Sana B., enseignante tunisienne installée à Strasbourg.

Quelle réaction de la communauté internationale ?

Alors que l’Europe et les États-Unis ont longtemps salué la Tunisie comme un modèle post-révolutionnaire, les condamnations récentes embarrassent. Si l’Union européenne a exprimé sa « préoccupation » sans aller plus loin, des ONG et universitaires appellent à conditionner l’aide économique à des garanties démocratiques.

Le risque d’un isolement diplomatique progressif plane sur Tunis, dans un contexte où l’économie tunisienne reste fragile et dépendante des bailleurs internationaux.

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