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Maroc : Maâti Monjib ou le journalisme d’investigation malmené

A l’occasion du dixième anniversaire du mouvement populaire du 20 février, le comité de soutien du journaliste d’investigation franco-marocain Maâti Monjib, lance un appel pour exiger sa libération immédiate.

(Pétition d'un collectif) - Le 29 décembre 2020, Maâti Monjib, fondateur de l’Association marocaine du journalisme d’investigation (AMJI) et figure du combat pour les droits de l’Homme au Maroc, est arrêté dans un restaurant de Rabat, puis incarcéré à la prison locale de Salé quelques heures plus tard. Aucun mandat ne lui est présenté. Ce n’est que le lendemain que le motif de son interpellation lui est révélé, ainsi que son placement en détention provisoire.

Ainsi, Maâti Monjib est poursuivi dans une nouvelle affaire pour «blanchiment de capitaux» dans le cadre du financement de formations au journalisme d’investigation. Pourtant, aucune des organisations ayant apporté les fonds au Centre Ibn Rochd dont il est le fondateur ne s’est jamais plainte de la gestion de ces subventions. La principale organisation a même nié tout détournement de fonds. De toute évidence, c’est bien l’apprentissage et l’exercice du journalisme indépendant que l’autorité judiciaire, aux ordres du pouvoir, cherche à museler.

Les nouvelles méthodes auxquelles le pouvoir marocain a recours pour intimider les opposants sont indignes : certains journalistes sont dénoncés comme «voleurs», d’autres sont accusés de viol, l’objectif étant de porter atteinte à leur intégrité morale. La calomnie, amplifiée par les réseaux sociaux et les médias proches des services sécuritaires, devient une arme de destruction de la réputation et de la crédibilité de ceux qui osent critiquer les turpitudes de ce pouvoir.

Une logique de répression

Ainsi, la procédure contre Maâti Monjib s’inscrit dans une logique de répression bien plus large qui a récemment visé plusieurs journalistes et voix critiques du régime, dont Omar Radi, Taoufik Bouachrine et Souleiman Raissouni.

Le 27 janvier, Maâti Monjib a été condamné, dans le cadre de poursuites en cours depuis 2015 (avec plus de vingt reports de procès), à un an de prison ferme pour «atteinte à la sécurité intérieure de l’État» et «escroquerie» sans que ni lui, ni sa défense n’aient été convoqués à l’audience, en violation flagrante du code de procédure pénale marocain et du principe du contradictoire.

Pourtant, Maâti était bel et bien à la disposition de la justice, puisqu’il se trouvait dans le bureau du juge d’instruction au même moment. Quant à ses avocats, ils ont appris la condamnation sur un site du ministère de la Justice. Le message se veut clair : pas de procès équitable pour ceux qui entendent préserver la liberté d’une presse trop largement aux ordres et favoriser la liberté d’opinion de chacun.

Face à l’injustice flagrante qui est faite à Maâti Monjib, nous demandons sa libération immédiate et l’abandon des charges qui pèsent contre lui. Nous demandons également au gouvernement français de sortir de son indifférence face à ce criant déni de justice.

Signataires : Edwy Plenel, journaliste, président et co-fondateur de Mediapart, Christophe Deloire, secrétaire général, Reporters sans frontières, Gilles Perrault, journaliste et écrivain, Omar Brouksy, journaliste et universitaire, Abdellah Hammoudi, anthropologue, professeur à l’université de Princeton, Aboubakr Jamaï, journaliste et fondateur du journal Le Journal Hebdomadaire, et de sa version arabophone Assahifa Al Ousbouiya, Ali Lmrabet, journaliste marocain et activiste des droits humains, Kamel Jendoubi, activiste des droits humains et homme politique tunisien, également expert des Nations unies, René Gallissot, historien, professeur Emérite d’Université, Mohammed Berrada, écrivain marocain, Abdellatif Laâbi, poète et écrivain marocain, Leïla Shahid, diplomate palestinienne, Ignace Dalle, écrivain et ancien directeur du bureau de l’AFP à Rabat, Mouna el-Banna, journaliste, Alain Gresh, journaliste et fondateur du journal en ligne Orient XXI.

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