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Usines au Maghreb : un pays arabe arrache la priorité d’un projet chinois

La Chine n’a cessé, ces dernières années, de renforcer son empreinte économique en Afrique, s’imposant comme un acteur incontournable du développement du continent. Routes, ports, complexes industriels : l’empire du Milieu multiplie les projets en quête de ressources, de débouchés et d’influence. Parmi les régions visées, le Maghreb avait su se positionner comme une zone stratégique, notamment grâce à sa proximité avec l’Europe et son potentiel de transformation industrielle. Mais un récent virage montre que l’ordre des priorités chinoises n’est pas figé : le Maroc, qui espérait accueillir une nouvelle usine de pointe, vient d’être devancé par Oman dans les plans d’un grand groupe chinois.

Le Maroc mis en pause, Oman rafle le projet

L’entreprise chinoise Hunan Zhongke Electric, spécialisée dans les technologies métallurgiques, avait pourtant prévu de lancer un projet ambitieux au Maroc : la construction d’un site de production de matériaux d’anode, essentiels à la fabrication de batteries pour voitures électriques. Ce projet, annoncé en 2024, semblait bien parti. Pourtant, à la surprise générale, la société a suspendu son initiative marocaine pour concentrer ses ressources sur un projet plus vaste à Oman.

Le complexe prévu dans le sultanat est bien plus qu’un simple transfert. Il s’agit d’un site intégré estimé à huit milliards de yuans, avec une capacité annuelle de production de 200 000 tonnes, et dont la mise en œuvre se fera en deux étapes. Ce développement massif place Oman en pole position sur le marché régional des matériaux de batteries, un secteur stratégique pour la transition énergétique mondiale. Le Maroc, de son côté, se retrouve sur la touche – du moins temporairement.

Ce revirement s’explique par une volonté de l’entreprise chinoise de canaliser ses efforts là où les conditions d’investissement sont jugées plus solides. Plutôt que de disperser ses moyens, elle préfère sécuriser ses opérations dans un environnement perçu comme plus favorable. Le montage financier omanais, combinant fonds propres, prêts spécialisés et capitaux d’investisseurs solides, a clairement pesé dans la balance.

Une décision qui révèle une stratégie d’optimisation

La redirection du projet vers Oman n’est pas un désaveu du Maroc, mais elle témoigne d’une stratégie de ciblage de plus en plus stricte de la part des industriels chinois. Fini le temps où la Chine lançait plusieurs chantiers simultanément sur différents continents. Désormais, elle mise sur des partenariats robustes, bien structurés, avec des perspectives de rentabilité rapide.

Oman, grâce à sa stabilité politique, à la fiabilité de ses partenaires financiers et à une logistique bien huilée, offre un terrain jugé plus sécurisant pour ce type de projet à grande échelle. En contrepartie, des pays comme le Maroc, qui restent pourtant très dynamiques, doivent faire face à une concurrence régionale de plus en plus rude pour attirer ce genre d’investissements à haute valeur ajoutée.

La bascule de Zhongke Electric illustre donc un nouveau mode opératoire : chaque projet est évalué selon sa faisabilité immédiate, les garanties de financement, et la capacité locale à assurer un déploiement fluide. Même les partenaires privilégiés ne sont plus à l’abri d’un report ou d’un déclassement.

Une rivalité régionale aux enjeux industriels

Le cas de Zhongke est révélateur d’une nouvelle réalité : la compétition pour les projets industriels ne se joue plus uniquement entre l’Afrique et les autres continents, mais aussi à l’intérieur du monde arabe. Oman, en réussissant à capter ce projet stratégique, montre qu’il est possible de devancer des pays historiquement mieux intégrés dans les réseaux d’investissement chinois, en misant sur la réactivité, la rigueur et la solidité des garanties.

Le Maroc, de son côté, devra sans doute renforcer encore ses dispositifs d’accueil, accélérer les démarches administratives et convaincre davantage d’investisseurs que le royaume est un partenaire fiable sur le long terme. Ce contretemps peut aussi être une occasion de réévaluer les approches, pour mieux se positionner dans la course à l’industrie verte.

Car derrière cette décision se dessine une nouvelle géographie industrielle. Les pays qui sauront créer les meilleures conditions d’accueil, alliant efficacité, stabilité et rentabilité, seront les futurs pôles de production dans un monde en pleine mutation énergétique.

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