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Salaheddine Aboulghali : Un entretien éclairant avec le député du PAM sur le scandale du 'Malien' et l'avenir du parti

Salaheddine Aboulghali, député du Parti Authenticité et Modernité (PAM) à la Chambre des représentants et président de la commune de Médiouna à Casablanca, exprime son indignation face au silence complice de son parti concernant le scandale de l'affaire du "Malien". Cette affaire implique des personnalités éminentes du PAM, dont Saïd Naciri et Abdenbi Bioui. Pour ce membre du bureau politique du PAM, minimiser la situation en espérant que le tumulte se dissipe, comme le fait le secrétaire général sortant du parti, est choquant. Aboulghali affirme qu'il est nécessaire de présenter des excuses aux Marocains pour ne pas avoir détecté les signes de ce type de criminalité.

À la veille du 5e Congrès national crucial (9-11 février), qui déterminera le destin du parti, Aboulghali, dont beaucoup espéraient beaucoup, est convaincu qu'Abdellatif Ouahbi n'est pas la personne adéquate pour diriger le PAM en ce moment. Il prévient que le parti connaîtra un affaiblissement considérable s'il est reconduit pour un deuxième mandat.

Salaheddine Aboulghali, entrepreneur dans les domaines de l'immobilier, du textile et des médias, ainsi qu'enseignant et militant de longue date au sein du PAM, occupe également des postes clés au sein du gouvernement local à Casablanca. Il est membre de la Commission des finances à la Chambre des représentants et de la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne à Bruxelles. Ancien président du Groupe d'amitié parlementaire maroco-britannique à la Chambre des représentants (2016-2021), Aboulghali est un diplômé de l'École américaine de Casablanca, titulaire d'une licence en sciences politiques de l'Université du Massachusetts à Lowell (Boston, États-Unis) et d'un mastère en droit de l'Université de Perpignan en France. Actuellement doctorant en droit public à la Faculté de droit de Casablanca (Université Hassan II), il enseigne en tant que vacataire.

Le360.ma a récemment mené une entrevue avec M. Salaheddine Aboulghali, qui est maintenant accessible sur leur site d'information. Nous sommes ravis de le reproduire ci-dessous.

 

Le360: Au sein du PAM, comment gérez-vous la récente crise, en l’occurrence celle qui implique deux membres importants de votre parti dans une affaire de trafic international de drogue?

La justice fait son travail, la BNPJ (Brigade nationale de la police judiciaire) aussi. La séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif, notamment celle du parquet qui ne relève plus du ministère de la Justice, tout cela va dans le bon sens, celui de la garantie de la présomption d’innocence accordée à tous les citoyens, pour un procès équitable. À partir de ces principes, on ne peut qu’être fiers de notre pays et de ses institutions. Cela dit, cette affaire va laisser des traces au sein de notre parti et de la nation, et je vous accorde que la «crise» que vous évoquez pourrait être mieux gérée, mais ce n’est pas le cas.

Vous semblez dire que l’actuel secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi, gère mal les choses à la lumière de cette affaire. Qu’est-ce qui l’en empêche?

Une volonté politique. Et c’est même pour cela que la politique existe. La volonté dans la gestion de la crise actuelle consiste à être ferme et à montrer que nous le sommes. Fermes sur notre volonté de lutter contre l’immoralité et l’illégalité dans la politique. Vous savez, les gens ne vous reprocheront pas d’avoir parmi vous des personnes qui ont violé la loi, supposément, ou franchi les limites de l’immoral, mais plutôt de ne pas avoir proprement réagi lorsque vous l’avez su. Les infractions, et là nous ne parlons pas de moindres au vu de la nature des soupçons, peuvent exister partout et dans tous les pays, même les plus démocratiques. Mais le savoir et ne pas réagir à la hauteur des attentes de nos électeurs et citoyens, je pense que ce serait une erreur monumentale, et je ne cautionne pas cet état d’esprit qui veut minimiser les choses en attendant que le nuage passe.

Vous pensez que le nuage ne passera pas?

Je pense qu’il doit être considéré comme une opportunité pour montrer encore une fois qui nous sommes et pourquoi nous faisons de la politique. Je pense que c’est le moment de faire valoir notre projet. Je pense qu’il faut refaire de la philosophie politique, revenir vers l’essentiel de ce pourquoi nous sommes là, je pense qu’il faut être capable de renaître à nouveau et montrer que le PAM, que certains veulent toujours voir disparaître, a un nouveau rendez-vous avec l’avenir, pour briller et convaincre. Et soyons clairs, ce n’est pas un nuage, c’est un séisme pour nous.

Je suis choqué par cette affaire et je ne connais pas un seul PAMiste qui ne l’est pas. Pour moi, les adversaires du PAM ne sont pas ceux qui instrumentaliseront cette affaire pour nous affaiblir, mais ceux de chez nous, au sein de notre propre famille politique, qui adoptent le silence comme méthode de réaction et qui minimisent le futur impact que cette affaire pourrait avoir sur notre projet politique. Ce sont eux les véritables ennemis du PAM, imbus de leur propre personne, plaçant leur ego et intérêt personnel au-delà de l’attente de nos électeurs et du parti. Mais ils n’y arriveront pas, le PAM ne se laissera pas faire.

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Nous avons surmonté des crises auparavant, nous avons été la cible de toutes sortes d’accusations, et personne ne peut nier la nouvelle donne que nous avons apporté au champ politique national, tant sur la question idéologique socio-démocratique et moderniste que sur le plan de la lutte contre le fondamentalisme politique, qui voulait s’accaparer l’intégralité du champ politique national et en finir avec le pluralisme. À chaque fois, nous avons remporté la bataille et les Marocains en sont témoins. Nous remporterons celle-ci aussi.

Vous êtes convaincu que le PAM vaincra, au moment où certains parlent de dissonances graves en interne suite à cette affaire?

Ce n’est pas le moment d’abandonner, c’est le moment de changer de direction. C’est le moment d’expliquer aux Marocains que la PAM remettra à jour ses processus d’accréditation et d’évaluation des candidatures, nous avons les moyens de le faire sans pour autant créer une brigade policière en interne. Nous refonderons notre commission des valeurs et intégrerons de nouvelles règles éthiques et engageantes sans tomber dans le moralisme. Nous devons comprendre que nous évoluons dans un monde de communication, de vitesse de l’information, de l’influence et de la société du commentaire, et que l’exemplarité de la personne politique est une idée inévitable. Sinon, il ne faut pas faire de la politique de nos jours.

Il faut accepter d’être critiqué quand on gère la chose publique ou quand on prétend vouloir légiférer pour les Marocains. C’est un honneur de servir les Marocains, et la seule gratification qu’on doit en obtenir est celle de les voir heureux, la joie dans leur cœur. Toute autre gratification doit être combattue, avec force, et le PAM peut jouer un rôle crucial dans ce combat, suite à cette affaire, précisément. L’heure est à l’innovation, à la remise en question, au discours responsable. La prochaine loi sur l’enrichissement illicite doit voir le jour au plus vite et notre discours doit être renouvelé. C’est le moment de revoir la loi sur les partis, car elle répond à la question de savoir si nous voulons continuer dans le même schéma de production des élites politiques. Comment peut-on encore justifier des accréditations partisanes à des personnes faisant l’objet d’une condamnation d’une cour d’appel pour dilapidation de deniers publics? C’est inacceptable.

Vous pensez que cela va marcher et que votre parti pourra surmonter cette épreuve?

La volonté est cruciale, mais malheureusement, elle ne suffit pas. Il lui faut de la crédibilité. En politique, et dans d’autres champs aussi, les hommes inspirent les hommes jusqu’à ce qu’ils cessent d’être crédibles. Ils vont alors en chercher d’autres, indéniablement. Le PAM regorge de leaders qui sont capables de mener ce projet avec force et intégrité. Les PAMistes savent ce qui les attend dans les prochains jours, ils seront à la hauteur, j’en suis sûr. Quant aux Marocains, ils sont justes, et si nous faisons notre travail comme il le faut, ils refuseront toute tentative de noircir l’âme de milliers de militants innocents à cause de soupçons, lourds certes, pesant sur deux personnes du parti. Mais on doit faire notre boulot.

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