Les 21 et 22 novembre prochains se tiendra le sommet annuel du G20, présidé cette année par l’Arabie saoudite. Une occasion unique pour la France de demander la libération des défenseures des droits humains emprisonnées dans le royaume.
Cécile Coudriou, Présidente d’Amnesty International France, et Lina al-Hathloul, soeur de Loujain al-Hathloul, militante emprisonnée en Arabie Saoudite, ont co-signé un appel au président Macron pour que la France défende la cause de toutes les femmes emprisonnées dans le royaume en raison de leur liberté d'expression. Voici cet appel.
Depuis qu’elle préside le G20, l’Arabie saoudite a déployé beaucoup d’efforts et de moyens financiers pour redorer son image sur la scène internationale. Mais cette opération séduction cache une répression impitoyable exercée contre celles et ceux qui demandent des changements profonds dans le pays.
Que d’hypocrisie éhontée ! Pour inciter États et entreprises à investir dans le royaume, les autorités saoudiennes prônent le progrès et l’ouverture. Elles dépensent sans compter dans de vastes campagnes de communication menées par de grandes agences de publicité, notamment françaises. Sous l’impulsion du prince Mohammed Ben Salmane, le royaume prétend vouloir se « transformer » et se vante en particulier de l’adoption de réformes telles que l’assouplissement de restrictions sociales et du système de tutelle masculine. Des réformes certes bienvenues, mais largement insuffisantes. Et quelle insupportable ironie, les femmes qui ont tant œuvré pour les obtenir sont aujourd’hui emprisonnées.
Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani sont parmi ces éminentes défenseures des droits humains qui ont osé demander des changements. C’est bien grâce à leur action courageuse que les femmes saoudiennes peuvent désormais conduire, se déplacer plus librement et accéder à certains divertissements ou activités culturelles jusque-là interdits. Aujourd’hui, uniquement parce qu’elles ont milité en faveur du droit de conduire, de l’abandon du système de tutelle masculine et de la garantie des droits civils et politiques pour toutes et tous en Arabie saoudite, elles se retrouvent derrière les barreaux, exposées à la torture, aux violences sexuelles et à d’autres formes de mauvais traitements.
Ces militantes pacifiques doivent être libérées immédiatement et sans condition. Les autorités saoudiennes doivent introduire de véritables réformes en matière de droits humains et de droits des femmes, sans quoi ce prétendu « progrès » ou « changement positif » ne sera qu’une vitrine sans aucune réalité pour la population saoudienne, particulièrement pour les femmes. Ne soyons pas dupes : l’Arabie saoudite fait de sa présidence du G20 un moment essentiel pour gagner en respectabilité et en attractivité sur la scène internationale. La France et les autres membres du G20 doivent saisir cette occasion pour exiger ces libérations. A défaut, leur silence ou leur passivité seraient interprétées par les autorités saoudiennes comme un consentement tacite.
Depuis plusieurs années, la France s’est engagée de manière répétée à faire de la protection des défenseurs des droits humains une des priorités de sa politique extérieure. Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron, se réjouissant de l’élection de la France au sein du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, affirmait que la France comptait faire entendre « sa voix humaniste, féministe et progressiste ». Cet engagement, qui ne saurait être conditionné aux intérêts économiques ou stratégiques du pays, sonnera creux s’il ne se traduit pas par des actes concrets. Dans le cadre du G20, le président français doit donc saisir cette opportunité de passer de la parole aux actes en dénonçant avec force l’emprisonnement des défenseures et en demandant leur libération à ses alliés saoudiens.
Face au courage de ces militantes qui sacrifient leur liberté pour défendre celles de toutes les femmes saoudiennes, la France ne peut rester muette. Monsieur le Président, entendrons-nous votre voix, « humaniste » et « féministe », les 21 et 22 novembre prochains ?
Les leaders du G20 qui assistent au sommet virtuel accueilli les 21 et 22 novembre par l’Arabie saoudite doivent demander aux autorités saoudiennes de répondre de l’hypocrisie éhontée dont elles font preuve en matière de droits des femmes, a déclaré Amnesty International le 20 novembre 2020. L’autonomisation des femmes figure en bonne place sur l’agenda du G20 en Arabie saoudite, lors même que les militantes qui sont le fer de lance des campagnes en faveur des droits des femmes sont en prison ou en instance de jugement.
Amnesty International engage les leaders du G20 à se joindre à l’appel en faveur de la libération immédiate et inconditionnelle de Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani, arrêtées en 2018 en raison de leur travail en faveur des droits humains.