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Hicham TOUATI - Les récents événements ayant secoué la scène politique marocaine remettent en question la probité et la responsabilité des élus dans la gestion des affaires publiques. L’affaire impliquant Sara KHADOUR , élue locale extradée des Émirats arabes unis vers le Maroc, dépasse le simple fait divers pour s’ériger en symptôme d’un mal plus profond : la fragilité des mécanismes de contrôle et la persistance de pratiques opaques au sein des institutions représentatives. Ce scandale, où se mêlent corruption présumée et abus de pouvoir, met en lumière les failles d’un système où certains élus, au lieu d’incarner l’exemplarité et la défense de l’intérêt général, se rendent complices de dérives qui sapent la confiance des citoyens dans leurs représentants.
L’affaire KHADOUR, qui implique également l’ancien parlementaire A. BOUSSIRI, condamné pour corruption, met en lumière une problématique récurrente : celle de l’instrumentalisation des mandats électifs à des fins d’enrichissement personnel. Selon les éléments de l’enquête, l’élue aurait joué un rôle d’intermédiaire entre des entrepreneurs et BOUSSIRI, facilitant l’octroi de marchés publics en contrepartie de commissions occultes. Une telle pratique, si elle venait à être confirmée, démontrerait une dérive préoccupante où des élus, censés défendre l’intérêt général, se transforment en acteurs d’un système de prédation des ressources publiques.
Au-delà du cas particulier de KHADOUR, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la robustesse des dispositifs de contrôle et de sanction existants. Comment une élue locale a-t-elle pu quitter le territoire national avant d’être rattrapée à l’étranger ? Quelles lacunes ont permis à de telles pratiques de prospérer dans un cadre institutionnel censé être régi par les principes de transparence et de bonne gouvernance ? Ces interrogations renvoient à la problématique plus large de l’efficacité des organes de surveillance et de la capacité des institutions à prévenir, détecter et sanctionner les abus en temps opportun.
L’une des révélations les plus troublantes de cette affaire réside dans la collusion entre sphère publique et intérêts privés. Le fait que des relations personnelles puissent influencer l’attribution de marchés publics trahit une défaillance systémique dans les procédures de passation des contrats de l’État. L’accaparement de ces marchés par des cercles restreints, parfois au détriment de la concurrence loyale, témoigne de la fragilité des dispositifs garantissant l’équité et la transparence des décisions administratives. Ce constat impose une réflexion en profondeur sur la manière dont les institutions doivent se prémunir contre de telles dérives et garantir que les deniers publics servent l’intérêt collectif plutôt que des ambitions individuelles.
Au cœur de cette problématique se pose la question de la responsabilité politique et morale des élus. La confiance que leur accordent les citoyens repose sur un pacte implicite : celui de la probité et du dévouement à la chose publique. Lorsque cet engagement est trahi, c’est l’ensemble du corps politique qui en pâtit, miné par une défiance croissante de la population envers ses représentants. La lutte contre ces pratiques ne saurait se limiter à des sanctions judiciaires a posteriori ; elle doit s’accompagner d’une refonte structurelle des mécanismes de gouvernance, en intégrant des dispositifs de prévention et de transparence plus rigoureux.
Si l’affaire KHADOUR marque un nouvel épisode dans la longue liste des scandales politico-financiers ayant émaillé la vie publique marocaine, elle peut aussi constituer une opportunité de réforme. La mise en place de mesures renforçant la traçabilité des décisions, le contrôle effectif des patrimoines des élus et l’instauration de procédures plus strictes dans l’octroi des marchés publics apparaissent comme autant de pistes à explorer pour restaurer la crédibilité des institutions. Plus que jamais, la consolidation de l’État de droit passe par une exigence de redevabilité accrue, afin que le mandat électif ne soit plus perçu comme un privilège à exploiter, mais comme un devoir sacré envers la nation.